l'histoire de Graignes.
ce petit village martyr inconnu de ses compatriotes. Un village en effet oublié des français, ou 32 soldats américains sont morts avec 31 civils qui avaient choisi de ne pas les laisser se faire massacrer. L'histoire terrible de Graignes commence le mardi 6 juin 1944 à deux heures du matin, avec l'atterrissage de 12 planeurs Horsa de 28 places, les planeurs anglais du 507ème régiment PIR américain de la 82ème division aéroportée, qui, largués un peu trop tard par leurs avions convoyeurs gênés par des tirs de Flak, sont venus se vautrer n'importe comment dans les marais autour de Carentan, alors qu'ils étaient censés se poser à Amfreville, dans la Manche, (à 5 km à peine de St Mère Eglise, bien davantage connu comme fait de guerre notoire). Ils se retrouvent bien trop au sud du point souhaité par leur état major (ils sont atterris bien en dessous de Carentan !). Destinés à protéger l'arrière des débarqués des plages de la Manche, qui surgissent quelques heures après des flots, ils ne pourront le faire. Quand les hommes sortent de leurs engins, dont beaucoup se sont séparés en deux ou trois morceaux dès l'atterrissage (la particularité du Horsa), ils font le point et constatent que leur largage de nuit est un véritable fiasco : ils se sont enfoncés bien trop loin dans les lignes ennemies ! Encerclés, ils peuvent être à tout moment faits prisonniers ou massacrés et n'apporter aucune aide au débarquement proprement dit. Ce ne sont pas les seuls à être dans le pétrin : leur propre commandant du régiment, le Colonel Millett sera fait prisonnier trois jours après dans les environs d'Amfreville, en tentant sans succès de rassembler ses hommes ! Car avant tout, malgré l'éparpillement des largages défectueux, il faut impérativement se regrouper. Vers 10 heures du matin, un premier lot de 25 paras dirigé par le capitaine Leroy D. Brummitt émerge en plein milieu du petit village de Graignes. A midi un deuxième lot arrive, sous les ordres de Major Charles D. Johnson, qui prend le commandement de l'ensemble. Et décide de rester à Graignes, en attendant d'être rejoint par le gros de l'offensive : au Nord, les allemands sont bien trop nombreux, il serait vain de vouloir les attaquer, et Carentan est à 15 bornes au nord, cernée elle aussi par les allemands. La situation est donc critique pour le bataillon ou plutôt ce qu'il en reste. Pour certains de leurs camarades c'est pire : alourdis par leur charge de matériel (ils devaient installer des positions défensives et étaient porteurs d'armes lourdes) certains se sont noyés dans les marais de la région dès le premier contact avec le sol français, ou plutôt avec ses eaux. Dans les premières heures du débarquement, avec la boucherie sans nom que sont les combats d'Omaha Beach, l'état major allié craint alors pour la suite du débarquement. Tout ne se passe comme prévu, loin de là. Les prochaines heures seront cruciales.
Heureusement, à Graignes, les villageois, tout de suite, ont pris fait et cause pour leurs libérateurs américains et les aident à se positionner au mieux dans le village. L'église est réquisitionnée comme poste d'observation et comme infirmerie. Les hommes disposent d'un très bon équipement de base, de 5 redoutables mitrailleuses lourdes Browning M1919 A-4 de 30 mm pesant 14 kilos, munies de balles perforantes, efficaces jusqu'à 1000 m de distance, de mines antichars, et même de deux mortiers de 81mm. Les balles spéciales des mitrailleuses chauffent tellement que seules de courtes rafales sont autorisées, mais leur efficacité est redoutable pour un calibre de ce genre. Vers 17 heures, un troisième groupe les rejoint. A la nuit, d'autres encore. Au petit matin du jeudi 7 juin, Graignes se réveille avec 182 habitants de plus (170 soldats et 12 officiers - d'aucuns citant 168 et 14). Les soldats s'entendent parfaitement avec la population locale grâce à leur arme secrète débarquée de loin : le Sergent Benton J. Broussard, un acadien de Louisiane, qui parle le cajun, ce vieux français du XVIIIème ! L'homme fait merveille, servant d'interface entre les soldats et le dynamique maire Alphonse Voydie qui répartit avec autorité les tâches de ces concitoyens : ravitaillement, surveillance et ramassage des armes éparpillées un peu partout. Dans un discours flamboyant tenu au milieu de l'Eglise, le maire a en effet demandé à tous ses concitoyens d'aider le plus possible les américains. Et tous l'ont suivi dans un même enthousiasme, malgré les craintes évidentes de représailles en cas d'arrivée des allemands. Au premier rang d'entre eux, Germaine Boursier, l'épicière, qui organise dans sa "maison rouge" et en moins de deux toute la logistique du ravitaillement de troupes en recrutant toutes les cuisinières du village. Les soldats, dont on craint le sacrifice, sont choyés par tout le village. Les deux nations, par l'intermédiaire des paras et des villageois font bien cause commune contre l'occupants nazi. C'est peut être le meilleur exemple d'une unité bâtie sur l'instant, sans se poser de questions. Les deux acceptent de prendre tous les risques, en se les partageant sans jamais rechigner. Graignes est bien en cela un symbole franco-américain fort, sinon le plus fort de tous ces événements tragiques liés au débarquement.
Tous les villageois ont bien compris le problème des américains déjà encerclés avant même de bouger, et décident de les aider à défendre le village, et à en faire un vrai camp retranché, en partant à la pêche aux munitions perdues disséminées dans les environs : les américains leur ont expliqué qu'il leur manque des containers d'armes, largués sous parachutes par les bombardiers accompagnateurs et perdus dans les marais. Bateaux, charrettes, tout est bon alors pour retrouver les cylindres magiques, les ouvrir, et prendre les armes ou les explosifs et les cacher dans des charrettes sous du foin, du fumier, ou de l'engrais. Et passer ainsi au nez et à la barbe des contrôles allemands qui eux aussi cherchent la même chose. Dans la pêche miraculeuse, les gens de Graignes ramassent même des parachutes : c'est de la soie véritable, et en pleine guerre c'est une denrée extrêmement rare. De la soie est collectée dans les deux jours qui suivent, mais aussi de nouveaux mortiers et d'autres mitrailleuses de 30mm qui pèseront lourd dans les heures à venir. Graignes devient un autre Fort Alamo, comme le disent avec fierté et patriotisme les historiens US.
Le samedi 10, au petit matin, quatre jours déjà après le débarquement, des accrochages se produisent avec les troupes allemandes sur des avant-postes de Graignes. Sur l'un des cadavres de soldats allemands, les paras découvrent un document précisant le mouvement prochain d'une division blindée, la 17eme SS Panzergrenadier Division, ce qui n'augure rien de bon. Ce sont des Waffen SS, c'est à dire des nazis directement sous les ordres d'Himmler. Parmi les pires. Le lendemain dimanche 11 juin, à 10 heures, ils arrivent dans le village, et la messe de 10 h qui se tenait en présence des soldats US est vite interrompue par des explosions et des tirs, et une énorme explosion, celle du pont à l'entrée de la route menant au village. L'arrivée des allemands est repoussée, mais pas pour longtemps. En début d'après-midi, un déluge d'obus de mortiers s'abat sur le village. Le lendemain, à 7 h, ce sont des tirs de 88, venant de deux affûts visibles des jumelles du commandant américain. Le signe précurseur d'un terrible assaut qui va durer jusque la nuit. Les américains font plus que résister, à plus d'un contre dix, et infligent des pertes énormes aux allemands. On parle de plus de 800 victimes, voire 1200, dans leurs rangs. En fin d'assaut, les mortiers américains sont quasiment utilisés à tir rasant : les paras du 507ème se battent avec l'énergie du désespoir. Ils perdent deux officiers le lieutenant Farnham et le Major Johnson, celui qui dirigeait l'unité, tous deux tués par un tir d'obus de 88, ont des blessés et une dizaine de morts, et dans la nuit décident de quitter le village pour rejoindre les marais.
Le lendemain, lundi 12, les nazis l'envahissent, foncent dans l'église et font tout d'abord prisonniers les blessés restés sur place. Ils sont tous emmenés, avec leur officier le capitaine Sophian, et tous fusillés ou noyés dans les canaux environnants. Mais cela ne suffit pas à assouvir leur vengeance : ils entraînent les deux prêtres présents, le père Leblastier et le franciscain Lebarbachon et leur logent une balle dans la tête. Une jeune fille de 18 ans, Madeleine Pezeril et une petite fille de huit ans, à peine Eugénie Dujardin, sont tuées sauvagement dans leur lit. Ils fouillent toutes les maisons, les 44 otages retenus la veille ayant refusé de coopérer pour dénoncer les aides dont les américains ont bénéficié. Le mardi 13 juin, n'ayant rien obtenu des villageois restés muets, fous de rage, ils incendient l'église, brûlant les corps des deux prêtres et de la jeune fille et de l'enfant assassinés, et incendient 66 autres maisons du village et en endommagent irrémédiablement 159. A leur départ, l'école et l'église de Graignes n'existent plus, le village n'est qu'une ruine fumante. C'est un autre Oradour et un autre Maillé, la signature des SS aux abois en 1944 dans le pays. Au total, ils laissent derrière eux 63 morts. Seul le clocher du XIIème siècle resté debout défie toujours l'occupant.
Mais dans leur haine meurtrière, ils passent fort heureusement à côté d'un groupe de paras US fort de 21 hommes, réfugiés dans une grange, sous la protection d'une famille de Graignes, celle des Rigault. Elle contient ces soldats partis se réfugier dans les marais et revenus en espérant un soutien que la population, malgré les menaces de terribles représailles, leur offre instantanément. Ils y restent dans un silence total pendant 2 jours encore, interrompus par une visite des allemands, qui perce le plancher où ils se cachent à la baïonnette, mais sans succès. Le jeudi 15, dans la nuit, le maire leur propose de partir via les marais, sur un petit bateau à fond plat dirigés par un gamin courageux de 15 ans, Joseph Folliot. Deux heures plus tard, ils abordent en territoire contrôlé par les leurs. Sur les 182 soldats présents à Graignes, 150 s'en sortiront vivants ! Grâce à l'incroyable solidarité des villageois qui ont perdu à une personne près autant d'habitants que les américains de parachutistes ! Mais leur belle et terrible histoire restera totalement inconnue du grand public pendant des années. Il faudra même attendre 1984 pour que les villageois apprennent que les 21 de la grange des Rigault s'en sont tous sortis vivants ! Deux années plus tard, deux anciens officiers rescapés du 507ème, Frank Naughton âgé à l'époque des faits de 24 ans seulement, et le premier lieutenant "Pip" Reed obtiennent des autorités américaines la reconnaissance de la bravoure des habitants de Graignes. Le 6 juin 1986, revenus sur l'emplacement même des vestiges de l'église du village, ces officiers américains décorent 11 villageois du Distinguished Civilian Service, dont Odette et Marthe Rigault, et 5 à titre posthume. Et inaugurent la plaque de marbre où sont inscrits les noms des 63 martyrs. Il aura fallu 42 longues années pour y arriver et saluer dignement le sacrifice du village.
Source: Agoravox le média citoyen, article écrit par Morice.
Lien vers l'article original : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/messieurs-sarkozy-et-obama-rendez-54617
ce petit village martyr inconnu de ses compatriotes. Un village en effet oublié des français, ou 32 soldats américains sont morts avec 31 civils qui avaient choisi de ne pas les laisser se faire massacrer. L'histoire terrible de Graignes commence le mardi 6 juin 1944 à deux heures du matin, avec l'atterrissage de 12 planeurs Horsa de 28 places, les planeurs anglais du 507ème régiment PIR américain de la 82ème division aéroportée, qui, largués un peu trop tard par leurs avions convoyeurs gênés par des tirs de Flak, sont venus se vautrer n'importe comment dans les marais autour de Carentan, alors qu'ils étaient censés se poser à Amfreville, dans la Manche, (à 5 km à peine de St Mère Eglise, bien davantage connu comme fait de guerre notoire). Ils se retrouvent bien trop au sud du point souhaité par leur état major (ils sont atterris bien en dessous de Carentan !). Destinés à protéger l'arrière des débarqués des plages de la Manche, qui surgissent quelques heures après des flots, ils ne pourront le faire. Quand les hommes sortent de leurs engins, dont beaucoup se sont séparés en deux ou trois morceaux dès l'atterrissage (la particularité du Horsa), ils font le point et constatent que leur largage de nuit est un véritable fiasco : ils se sont enfoncés bien trop loin dans les lignes ennemies ! Encerclés, ils peuvent être à tout moment faits prisonniers ou massacrés et n'apporter aucune aide au débarquement proprement dit. Ce ne sont pas les seuls à être dans le pétrin : leur propre commandant du régiment, le Colonel Millett sera fait prisonnier trois jours après dans les environs d'Amfreville, en tentant sans succès de rassembler ses hommes ! Car avant tout, malgré l'éparpillement des largages défectueux, il faut impérativement se regrouper. Vers 10 heures du matin, un premier lot de 25 paras dirigé par le capitaine Leroy D. Brummitt émerge en plein milieu du petit village de Graignes. A midi un deuxième lot arrive, sous les ordres de Major Charles D. Johnson, qui prend le commandement de l'ensemble. Et décide de rester à Graignes, en attendant d'être rejoint par le gros de l'offensive : au Nord, les allemands sont bien trop nombreux, il serait vain de vouloir les attaquer, et Carentan est à 15 bornes au nord, cernée elle aussi par les allemands. La situation est donc critique pour le bataillon ou plutôt ce qu'il en reste. Pour certains de leurs camarades c'est pire : alourdis par leur charge de matériel (ils devaient installer des positions défensives et étaient porteurs d'armes lourdes) certains se sont noyés dans les marais de la région dès le premier contact avec le sol français, ou plutôt avec ses eaux. Dans les premières heures du débarquement, avec la boucherie sans nom que sont les combats d'Omaha Beach, l'état major allié craint alors pour la suite du débarquement. Tout ne se passe comme prévu, loin de là. Les prochaines heures seront cruciales.
Heureusement, à Graignes, les villageois, tout de suite, ont pris fait et cause pour leurs libérateurs américains et les aident à se positionner au mieux dans le village. L'église est réquisitionnée comme poste d'observation et comme infirmerie. Les hommes disposent d'un très bon équipement de base, de 5 redoutables mitrailleuses lourdes Browning M1919 A-4 de 30 mm pesant 14 kilos, munies de balles perforantes, efficaces jusqu'à 1000 m de distance, de mines antichars, et même de deux mortiers de 81mm. Les balles spéciales des mitrailleuses chauffent tellement que seules de courtes rafales sont autorisées, mais leur efficacité est redoutable pour un calibre de ce genre. Vers 17 heures, un troisième groupe les rejoint. A la nuit, d'autres encore. Au petit matin du jeudi 7 juin, Graignes se réveille avec 182 habitants de plus (170 soldats et 12 officiers - d'aucuns citant 168 et 14). Les soldats s'entendent parfaitement avec la population locale grâce à leur arme secrète débarquée de loin : le Sergent Benton J. Broussard, un acadien de Louisiane, qui parle le cajun, ce vieux français du XVIIIème ! L'homme fait merveille, servant d'interface entre les soldats et le dynamique maire Alphonse Voydie qui répartit avec autorité les tâches de ces concitoyens : ravitaillement, surveillance et ramassage des armes éparpillées un peu partout. Dans un discours flamboyant tenu au milieu de l'Eglise, le maire a en effet demandé à tous ses concitoyens d'aider le plus possible les américains. Et tous l'ont suivi dans un même enthousiasme, malgré les craintes évidentes de représailles en cas d'arrivée des allemands. Au premier rang d'entre eux, Germaine Boursier, l'épicière, qui organise dans sa "maison rouge" et en moins de deux toute la logistique du ravitaillement de troupes en recrutant toutes les cuisinières du village. Les soldats, dont on craint le sacrifice, sont choyés par tout le village. Les deux nations, par l'intermédiaire des paras et des villageois font bien cause commune contre l'occupants nazi. C'est peut être le meilleur exemple d'une unité bâtie sur l'instant, sans se poser de questions. Les deux acceptent de prendre tous les risques, en se les partageant sans jamais rechigner. Graignes est bien en cela un symbole franco-américain fort, sinon le plus fort de tous ces événements tragiques liés au débarquement.
Tous les villageois ont bien compris le problème des américains déjà encerclés avant même de bouger, et décident de les aider à défendre le village, et à en faire un vrai camp retranché, en partant à la pêche aux munitions perdues disséminées dans les environs : les américains leur ont expliqué qu'il leur manque des containers d'armes, largués sous parachutes par les bombardiers accompagnateurs et perdus dans les marais. Bateaux, charrettes, tout est bon alors pour retrouver les cylindres magiques, les ouvrir, et prendre les armes ou les explosifs et les cacher dans des charrettes sous du foin, du fumier, ou de l'engrais. Et passer ainsi au nez et à la barbe des contrôles allemands qui eux aussi cherchent la même chose. Dans la pêche miraculeuse, les gens de Graignes ramassent même des parachutes : c'est de la soie véritable, et en pleine guerre c'est une denrée extrêmement rare. De la soie est collectée dans les deux jours qui suivent, mais aussi de nouveaux mortiers et d'autres mitrailleuses de 30mm qui pèseront lourd dans les heures à venir. Graignes devient un autre Fort Alamo, comme le disent avec fierté et patriotisme les historiens US.
Le samedi 10, au petit matin, quatre jours déjà après le débarquement, des accrochages se produisent avec les troupes allemandes sur des avant-postes de Graignes. Sur l'un des cadavres de soldats allemands, les paras découvrent un document précisant le mouvement prochain d'une division blindée, la 17eme SS Panzergrenadier Division, ce qui n'augure rien de bon. Ce sont des Waffen SS, c'est à dire des nazis directement sous les ordres d'Himmler. Parmi les pires. Le lendemain dimanche 11 juin, à 10 heures, ils arrivent dans le village, et la messe de 10 h qui se tenait en présence des soldats US est vite interrompue par des explosions et des tirs, et une énorme explosion, celle du pont à l'entrée de la route menant au village. L'arrivée des allemands est repoussée, mais pas pour longtemps. En début d'après-midi, un déluge d'obus de mortiers s'abat sur le village. Le lendemain, à 7 h, ce sont des tirs de 88, venant de deux affûts visibles des jumelles du commandant américain. Le signe précurseur d'un terrible assaut qui va durer jusque la nuit. Les américains font plus que résister, à plus d'un contre dix, et infligent des pertes énormes aux allemands. On parle de plus de 800 victimes, voire 1200, dans leurs rangs. En fin d'assaut, les mortiers américains sont quasiment utilisés à tir rasant : les paras du 507ème se battent avec l'énergie du désespoir. Ils perdent deux officiers le lieutenant Farnham et le Major Johnson, celui qui dirigeait l'unité, tous deux tués par un tir d'obus de 88, ont des blessés et une dizaine de morts, et dans la nuit décident de quitter le village pour rejoindre les marais.
Le lendemain, lundi 12, les nazis l'envahissent, foncent dans l'église et font tout d'abord prisonniers les blessés restés sur place. Ils sont tous emmenés, avec leur officier le capitaine Sophian, et tous fusillés ou noyés dans les canaux environnants. Mais cela ne suffit pas à assouvir leur vengeance : ils entraînent les deux prêtres présents, le père Leblastier et le franciscain Lebarbachon et leur logent une balle dans la tête. Une jeune fille de 18 ans, Madeleine Pezeril et une petite fille de huit ans, à peine Eugénie Dujardin, sont tuées sauvagement dans leur lit. Ils fouillent toutes les maisons, les 44 otages retenus la veille ayant refusé de coopérer pour dénoncer les aides dont les américains ont bénéficié. Le mardi 13 juin, n'ayant rien obtenu des villageois restés muets, fous de rage, ils incendient l'église, brûlant les corps des deux prêtres et de la jeune fille et de l'enfant assassinés, et incendient 66 autres maisons du village et en endommagent irrémédiablement 159. A leur départ, l'école et l'église de Graignes n'existent plus, le village n'est qu'une ruine fumante. C'est un autre Oradour et un autre Maillé, la signature des SS aux abois en 1944 dans le pays. Au total, ils laissent derrière eux 63 morts. Seul le clocher du XIIème siècle resté debout défie toujours l'occupant.
Mais dans leur haine meurtrière, ils passent fort heureusement à côté d'un groupe de paras US fort de 21 hommes, réfugiés dans une grange, sous la protection d'une famille de Graignes, celle des Rigault. Elle contient ces soldats partis se réfugier dans les marais et revenus en espérant un soutien que la population, malgré les menaces de terribles représailles, leur offre instantanément. Ils y restent dans un silence total pendant 2 jours encore, interrompus par une visite des allemands, qui perce le plancher où ils se cachent à la baïonnette, mais sans succès. Le jeudi 15, dans la nuit, le maire leur propose de partir via les marais, sur un petit bateau à fond plat dirigés par un gamin courageux de 15 ans, Joseph Folliot. Deux heures plus tard, ils abordent en territoire contrôlé par les leurs. Sur les 182 soldats présents à Graignes, 150 s'en sortiront vivants ! Grâce à l'incroyable solidarité des villageois qui ont perdu à une personne près autant d'habitants que les américains de parachutistes ! Mais leur belle et terrible histoire restera totalement inconnue du grand public pendant des années. Il faudra même attendre 1984 pour que les villageois apprennent que les 21 de la grange des Rigault s'en sont tous sortis vivants ! Deux années plus tard, deux anciens officiers rescapés du 507ème, Frank Naughton âgé à l'époque des faits de 24 ans seulement, et le premier lieutenant "Pip" Reed obtiennent des autorités américaines la reconnaissance de la bravoure des habitants de Graignes. Le 6 juin 1986, revenus sur l'emplacement même des vestiges de l'église du village, ces officiers américains décorent 11 villageois du Distinguished Civilian Service, dont Odette et Marthe Rigault, et 5 à titre posthume. Et inaugurent la plaque de marbre où sont inscrits les noms des 63 martyrs. Il aura fallu 42 longues années pour y arriver et saluer dignement le sacrifice du village.
Source: Agoravox le média citoyen, article écrit par Morice.
Lien vers l'article original : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/messieurs-sarkozy-et-obama-rendez-54617